Paiement du loyer par virement Interac: qui assume les risques de fraude?

Par: Me Daniel Bélanger

Paiement du loyer par virement Interac: qui assume les risques de fraude?

Dans une décision récente (1), la Régie du logement (2) se penche sur les conditions de validité d’un paiement de loyer fait par le biais d’un « virement Interac ». 

Un virement Interac est une méthode de paiement permettant de transférer des fonds entre personnes. L’expéditeur des fonds doit alors indiquer l’adresse courriel ou le numéro de mobile du bénéficiaire et prévoir une question de sécurité à laquelle ce dernier devra répondre afin d’avoir accès aux fonds. Le bénéficiaire devra ensuite indiquer le compte bancaire dans lequel les fonds seront déposés. 

Dans cette affaire, la locataire et la locatrice avaient convenu que le paiement du loyer se ferait par virement Interac. Elles avaient également établi une question de sécurité et la réponse qui devait y être donnée. 

Les parties ont utilisé ce mode de paiement sans problème pendant plus d’un an. Un litige survient lorsque le locateur allègue que le paiement d’un mois de loyer aurait été détourné par un tiers qui aurait eu frauduleusement accès à ses courriels. 

La locatrice dépose une demande à la Régie du logement afin de recouvrer le loyer qu’elle n’a pu encaisser. La locataire se défend en affirmant qu’elle n’a pas à payer son loyer en double en raison d’une fraude dont la locatrice aurait été victime.  

La Régie du logement donne raison à la locataire.  

Procédant à une analyse de la nature du virement Interac, la Régie du logement conclut que le paiement est libératoire, et donc valide, lorsque les conditions suivantes seront remplies :  

  1. La locatrice a consenti au mode de paiement par virement Interac; 
  2. La locataire a utilisé la bonne adresse courriel qui lui a été fournie par la locatrice pour effectuer le virement; 
  3. Les fonds ont été débités du compte bancaire de la locataire; et 
  4. Le virement de fonds a été accepté par le bénéficiaire désigné et la question de sécurité a été correctement répondue. 

Sur ce dernier critère, la Régie du logement conclut qu’il n’est pas nécessaire de prouver que les fonds ont bien été déposés dans le compte bancaire de la locatrice :  

[56]   Contrairement au virement bancaire traditionnel, les renseignements relatifs au compte bancaire dans lequel les fonds doivent être versés lors d’un virement Interac seront uniquement acheminés à l’institution financière de l’expéditeur au moment de l’acceptation des fonds par le bénéficiaire désigné.  

[57]   Lors de l’acceptation du virement de fonds, il revient au bénéficiaire de choisir dans quel compte bancaire les fonds seront versés via la plateforme de service en ligne de son institution financière. 

[58]   Par la suite, une fois le virement Interac accepté par le bénéficiaire, l’expéditeur des fonds n’a plus aucun contrôle sur l’acheminement des fonds dans le compte bancaire sélectionné par le bénéficiaire.  

[…] 

[61]   Par conséquent, c’est donc au moment de l’acceptation du virement de fonds par le bénéficiaire désigné, lequel est irrévocable, que le transfert de fonds devient définitif et que la locataire est alors libérée de son obligation de payer le loyer. 

Discussion 

Cette décision rappelle que le paiement du loyer par virement Interac comporte son lot de risques pour le locateur. Ce constat est d’autant plus important que selon un sondage mené par la CORPIQ en 2019, le virement bancaire ou Interac serait maintenant le moyen le plus répandu pour procéder au paiement du loyer 

Précisons que l’utilisation d’un virement bancaire ou Interac pour le paiement du loyer doit faire l’objet d’une entente entre le locataire et le locateur. À défaut d’entente expresse ou implicite à cet effet, ni le locataire ni le locateur ne peut contraindre l’autre à utiliser ce mode de paiement (3). 

Les parties qui décident de prévoir le paiement dloyer par virement Interac devront dès lors déterminer une question de sécurité rigoureuse dont la réponse sera inconnue d’un tiers mal intentionné.  

Il serait également judicieux de privilégier les virements bancaires qui permettent le dépôt des sommes directement dans le compte bancaire du bénéficiaire, lorsque possible.

                                                                   

(1) Zanjanis Group c. Waugh (R.D.L., 2020-02-18), 2020 QCRDL 5846

(2) Maintenant le Tribunal administratif du logement. 

(3) Héli-Forex inc. c. Nation Cri de Wemindji, 2000 CanLII 11387 (QC CA), paragr. 25Lee c. Choko, 2020 QCRDL 17376. 

 

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