Le 16 juin 2017, dans le cadre de l’action collective Belley c. Service de financement auto TD Inc., l’honorable Louis Lacoursière, j.c.s., a accueilli en partie une demande de communication de documents de la défenderesse basée sur l’article 169 C.p.c (Belley c. TD Auto Finance Services Inc./Services de financement auto TD Inc, 2017 QCCS 2668).
Quant au(x) critère(s) pertinent(s) à appliquer pour trancher une demande sous 169 C.p.c., le juge Lacoursière adhérait alors au raisonnement du juge Granosik, j.c.s., exprimé dans la décision Envac Systèmes Canada Inc. c. Montréal (Ville de), 2016 QCCS 1931. Le juge Lacoursière écrit :
« [27] This application has to be analyzed in terms of the relevancy of the documents sought. Mr. Justice Granosik wrote this about the “document” of article 169 CCP:[9]
[27] […] Le « document » n’est plus tributaire de la volonté de la partie de le produire ou non. Il doit répondre uniquement à l’exigence de la pertinence dans le débat. Cette interprétation se justifie tant selon la méthode littérale que selon la méthode moderne d’interprétation législative.
[28] The Court is in agreement with this proposition.
[29] The issue of relevancy has to be assessed taking into account the Preliminary Provision and articles 2 and 20 CCP. The fact that the procedural means in place is that of a class action does not relieve the parties of the obligations mentioned therein: (…) »
La Cour supérieure ordonne finalement la communication d’une copie « of Class Plaintiff’s complete and updated list of registered members, together with their province of residence » (2017 QCCS 2668, par. 43).
La Cour d’appel du Québec a rejeté l’appel du demandeur Belley et « confirmé » (2018 QCCA 1727, par. 49) le jugement de l’honorable Louis Lacoursière, j.c.s. Sur l’application du seul critère de pertinence, la Cour d’appel indique que le juge Lacoursière s’est bien dirigé en droit :
« [24] The trial judge correctly found that the criterion for production was relevance and not whether the Appellant intended to rely on the list at trial.[12] He analyzed that relevance in paragraphs 32 to 34 of the judgment, quoted above. »
La Cour d’appel s’appuie notamment sur la décision qu’elle a rendu dans l’affaire Desmarteau c. Ontario Lottery and Gaming Corporation (2013 QCCA 2090). La Cour écrit alors :
« [42] Un dernier commentaire s’impose sur l’absence de pertinence de ces trois pièces que les intimées soulèvent. À l’audience, l’avocat de l’une d’elles, Loto Québec, soutient que, dans le cadre d’une requête en radiation d’allégations ou de pièces, la notion de pertinence s’évaluerait différemment. Il suggère que, dans de tels cas, elle serait assujettie à des critères plus stricts que ce qui prévaut, par exemple, au stade d’un interrogatoire préalable ou de la communication d’une preuve, sans toutefois proposer de motifs convaincants à l’appui.
[43] Je suis en désaccord. Aucune autorité n’appuie cette assertion qui me semble inconciliable avec les enseignements de la Cour en la matière. Les arrêts pertinents ne font pas cette distinction, bien au contraire.
[44] Ainsi, dans l’arrêt Corp. McKesson Canada c. Losier[12], la Cour applique les concepts de pertinence d’un interrogatoire préalable à une requête en radiation d’allégations en tenant les propos révélateurs suivants : […] J’ajouterais que notre Cour, dans un contexte voisin du nôtre, s’était déjà prononcée sur la portée de la notion de pertinence. Dans l’arrêt Kruger Inc. c. Kruger, où une partie avait soulevé plusieurs objections attaquant la pertinence de questions posées au cours d’un interrogatoire préalable, le juge LeBel remarque : Les règles de la preuve s’appliquent à l’examen au préalable comme au procès. Cependant, le concept de pertinence s’apprécie par rapport aux dispositions qui régissent directement l’examen au préalable et à son rôle dans notre système de procédure. On peut affirmer par analogie qu’il en va de même pour la requête en radiation d’allégation formée en vertu du second alinéa de l’article 168 C.p.c : ici aussi, le concept de pertinence s’apprécie par rapport aux dispositions qui régissent directement la requête.
[45] Dans les arrêts Bouchard-Cannon c. Canada (Procureur général)[13] et St-Onge-Lebrun c. Hôtel-Dieu de St-Jérôme[14], la Cour traite de la pertinence d’une allégation ou d’une preuve sans faire la distinction qu’on l’invite à faire ici. Dans l’arrêt Poulin c. Groupe Jean Coutu (PJC) inc.[15], la Cour souligne que, au stade d’une requête en radiation d’allégations, « la prudence est de mise, comme elle l’est à l’égard d’objections à des questions lors d’un interrogatoire avant procès ».
La Cour d’appel souligne aussi que le critère de pertinence doit s’apprécier avec souplesse : « [25] The test of relevance at the pre-trial stage is given a wide berth; it is not difficult to satisfy. » et « [28] Given the low threshold of relevance at the pre-trial stage, deference is due to the judge’s decision. »