Par: Me Vincent Blais-Fortin
Résumé de la décision Arcuri c. Coopérative Belles-Fleurs, 2020 QCTAL 3057
UNE COOPÉRATIVE D’HABITATION N’EST PAS À L’ABRI D’UNE DEMANDE EN DIMINUTION DE LOYER
Principes
Dans l’affaire Arcuri c. Coopérative Belles-Fleurs, le Tribunal administratif du logement (anciennement Régie du logement) était saisi d’une demande en diminution et en dommages présentés par une membre contre la Coopérative.
La membre se plaignait que son logement est mal isolé et entend tous les autres locataires qui passent dans le corridor longeant son logement, de même que ceux qui courent dans les escaliers. Cette situation se reproduisait de façon régulière toutes les semaines. Elle se plaignait également des odeurs de fumée et de cannabis qui viennent de l’extérieur ainsi que d’un autre logement, lesquelles se répandaient dans son logement.
Le Code civil du Québec prévoit le droit à une diminution de loyer et d’obtenir des dommages-intérêts dans certaines circonstances :
1861. Le locataire, troublé par un autre locataire ou par les personnes auxquelles ce dernier permet l’usage du bien ou l’accès à celui-ci, peut obtenir, suivant les circonstances, une diminution de loyer ou la résiliation du bail, s’il a dénoncé au locateur commun le trouble et que celui-ci persiste.
Il peut aussi obtenir des dommages-intérêts du locateur commun, à moins que celui-ci ne prouve qu’il a agi avec prudence et diligence; le locateur peut s’adresser au locataire fautif, afin d’être indemnisé pour le préjudice qu’il a subi.
La Coopérative a demandé le rejet de la demande de la membre, notamment parce que le TAL n’a pas le pouvoir de fixer le loyer ni modifier d’autres conditions du bail d’un logement loué par une coopérative d’habitation à l’un des membres en vertu de l’article 1955 C.c.Q. si le bail mentionne cette restriction :
1955. Ni le locateur ni le locataire d’un logement loué par une coopérative d’habitation à l’un de ses membres, ne peut faire fixer le loyer ni modifier d’autres conditions du bail par le tribuna
De même, ni le locateur ni le locataire d’un logement situé dans un immeuble nouvellement bâti ou dont l’utilisation à des fins locatives résulte d’un changement d’affectation récent ne peut exercer un tel recours, dans les cinq années qui suivent la date à laquelle l’immeuble est prêt pour l’usage auquel il est destiné.
Le bail d’un tel logement doit toutefois mentionner ces restrictions, à défaut de quoi le locateur ne peut les invoquer à l’encontre du locataire. 1991, c. 64, a. 1955.
Le TAL donne tort à la coopérative.
Le Tribunal a conclu qu’il peut accorder la diminution demandée, puisqu’une diminution de loyer ne constitue pas une fixation de loyer effectuée selon le Règlement sur les critères de fixation de loyer. Il s’agit d’un ajustement du loyer payable suivant une problématique vécue afin de rétablir l’équilibre dans la prestation de chacune des parties au bail. Mentionnons d’ailleurs que la Coopérative peut demander le rétablissement du loyer lorsqu’elle remédie au problème.
Actions à prendre
Il est important pour une coopérative, n’étant pas à l’abri d’une diminution de loyer, d’entreprendre rapidement des actions pour mettre fin au problème soulevé dès qu’elle est avisée de la problématique.
En prenant des actions rapidement, la coopérative s’assure qu’elle ne fera pas face, plusieurs mois plus tard, à une importante demande rétroactive en diminution de loyer de la part du membre, ayant réglé le problème. La coopérative pourra également faire valoir sa diligence et obtenir le rejet d’une réclamation en dommage-intérêts.
La coopérative devrait documenter par écrit les démarches effectuées et envoyer promptement les avis appropriés contre les membres ou locataires troublant, selon les allégations, la jouissance paisible et, au besoin, entreprendre les recours judiciaires requis si le trouble persiste