Résumé de la décision Drouin c. Coopérative d’habitation de la Haute Rive d’Aylmer, 2021 QCCS 177
Exclusion : la régie interne devrait être respectée
Dans cette affaire, une membre conteste la décision du conseil d’administration («Conseil») de l’exclure, invoquant que la Coopérative n’aurait pas suivi à la lettre la procédure d’exclusion prévue au règlement de régie interne.
L’exclusion doit être distinguée de la suspension et de l’expulsion. Lors d’une suspension, le membre perd tous ses droits de membre pendant une période limitée d’au plus 6 mois. Une exclusion constitue une rupture totale et définitive du lien d’appartenance avec le membre. Une expulsion concerne le bail et constitue le départ forcé du locataire et des occupants du logement.
La Loi sur les coopératives prévoit une procédure pour procéder à l’exclusion d’un membre. D’abord, il confère le pouvoir exclusif au conseil de suspendre ou d’exclure un membre. Plusieurs motifs sont codifiés à la loi. Ensuite, avant de se prononcer sur la suspension ou l’exclusion d’un membre, le conseil doit aviser le membre par écrit des motifs invoqués pour cette suspension ou cette exclusion ainsi que du lieu, de la date et de l’heure de la réunion au cours de laquelle le conseil rendra sa décision. L’avis doit être donné dans le même délai que celui prévu pour la convocation de cette réunion.
Lors de cette réunion, le membre peut s’opposer à sa suspension ou à son exclusion en y faisant des représentations ou en transmettant une déclaration écrite que lit le président de la réunion.
La décision est prise aux deux tiers des voix exprimées par les administrateurs présents. Le Conseil doit prendre en considération plusieurs facteurs. La coopérative transmet au membre dans les 15 jours de la décision un avis écrit et motivé de sa suspension ou de son exclusion, laquelle prend effet à la date précisée dans cet avis.
En l’espèce, le règlement de régie interne de la Coopérative prévoyait des éléments supplémentaires. Le règlement indiquait que :
3.3 Démission, suspension, exclusion (article 55 à 60)
3.3.1 ( …)
3.3.2 Suspension, exclusion (article 57)
Le conseil peut suspendre ou exclure un membre dans les cas suivants :
(…)
Un membre ne peut (…) être exclu avant d’avoir reçu deux avis écrits, si les choses ne se règlent pas vient alors une première suspension et une deuxième, c’est seulement après cela qu’un membre peut être exclu. (…)
En l’espèce, la membre a été suspendue à deux reprises, mais elle n’avait pas reçu d’avis écrits au préalable ni été convoquée à une séance du conseil d’administration pour discuter de son exclusion comme membre.
De l’avis de la Cour, le Conseil d’administration aurait ainsi escamoté trois étapes prévues à son règlement. Les deux avis écrits, les deux suspension et l’exclusion constitueraient des sanctions distinctes et successives. Il en résulte, toujours de l’opinion de la Cour, que la demanderesse fut privée d’une période prévue pour s’amender et éviter l’exclusion, le cas échéant. L’exclusion constitue la peine « ultime et fatale ».
La Cour écrit :
[91] Il en résulte une irrégularité grave et le Tribunal conclut que dans les présentes circonstances, la décision doit être annulée.
Les circonstances de chaque dossier doivent donc faire l’objet d’une analyse particulière.
La Cour note également l’absence de discrétion du Conseil accordée par le règlement :
[90] Le règlement de la Coopérative ne prévoit aucune discrétion quant au respect du processus et le Conseil ne pouvait passer outre ces garanties procédurales.
La validité du règlement ne semble pas avoir été remise en cause dans cette affaire. Si un tel règlement est valide, cette absence de discrétion peut parfois être inappropriée à la nature ou la gravité d’un manquement. Il serait alors préférable de prévoir une certaine flexibilité et discrétion pour le Conseil, quitte à baliser l’usage du processus d’exception.