Bond c. Ponce, 2020 QCRDL 10356
COVID-19 : quels motifs permettent d’exécuter une décision de la Régie du logement?
Le 17 mars 2020, la ministre de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann, a signé l’Arrêté numéro 2020-005. Cet Arrêté suspend les effets de plusieurs jugements de la Régie du logement. En effet, il mentionne :
« Sont suspendus les effets de tout jugement d’un tribunal ou de toute décision de la Régie du logement qui autorise la reprise d’un logement ou l’éviction du locataire d’un logement; sont également suspendus les effets de tout jugement ou de toute décision qui ordonne l’expulsion du locataire ou de l’occupant d’un logement, sauf si le logement a été reloué par le locateur avant l’entrée en vigueur du présent arrêté et que cette suspension empêcherait le nouveau locataire de prendre possession des lieux. Malgré ce qui précède, le tribunal ou la Régie du logement peut, lorsque des circonstances exceptionnelles le justifient, ordonner l’exécution d’un de ses jugements ou d’une de ses décisions, selon le cas; »
Ainsi, en application de l’Arrêté numéro 2020-005 une décision qui autorise la reprise ou ordonne l’éviction ou l’expulsion du locataire peut être exécuté lorsque des circonstances exceptionnelles le justifient.
Qu’est-ce que des circonstances exceptionnelles?
Dans l’affaire Bond c. Ponce, le locateur a obtenu un jugement résiliant le bail et ordonner l’expulsion de la locataire et de tous les occupants du logement. Le locataire et les occupants troublent la jouissance paisible des autres locataires. Ils leur causent un préjudice sérieux justifiant la résiliation du bail.
La Régie du logement retient que la locataire n’a pas modifié son comportement depuis le jugement résiliant le bail. Elle continue de troubler la jouissance paisible des autres locataires par les bruits provenant de son logement, résultant notamment de conflits avec des personnes à qui elle permet l’accès à son logement, bien que le mois de mars ait été plus calme que les mois antérieurs.
La Régie souligne qu’il est impossible de déterminer toutes les circonstances qui peuvent se qualifier d’exceptionnelles. Pour le Tribunal, une circonstance exceptionnelle est notamment une situation qui est hors de l’ordinaire, une situation qui met sérieusement en péril la santé ou la sécurité des autres locataires ou encore l’intégrité du logement.
La Régie ajoute que pour obtenir l’expulsion d’un locataire malgré l’arrêté ministériel, le locateur ne peut se contenter de faire la preuve qu’il y a présence d’un préjudice sérieux :
[64] Le critère de circonstances exceptionnelles exige un plus lourd fardeau. Ce qui peut constituer, en temps normal, un motif d’expulsion ne se qualifie pas nécessairement de circonstances exceptionnelles.
La Régie conclut que poursuite du comportement ayant amené la juge administrative à résilier le bail n’est pas une circonstance exceptionnelle en soi. Le fait que la locataire trouble la jouissance paisible des autres locataires, bien qu’il soit inacceptable, ne peut se qualifier de circonstances exceptionnelles.
La Régie termine son jugement sur cette remarque :
[70] Bien que le Tribunal conclue à l’absence de circonstances exceptionnelles, il tient à souligner qu’il ne cautionne aucunement le comportement de la locataire, qui ne semble pas avoir compris les conséquences de ses gestes et qui démontre clairement un mépris flagrant envers les autres locataires de l’immeuble.