Dziczek Polawski c. Coopérative d’habitation Skanagowa, 2019 QCRDL 27048 (CanLII)
Qu’est-ce qu’une clause de départ?
La clause de départ est bien connue dans le milieu des coopératives d’habitation. Il s’agit d’une clause prévoyant que le membre doit quitter la coopérative s’il perd son statut de membre, par démission ou exclusion.
Elle peut se lire ainsi :
“Advenant la perte de son droit de membre, le locataire s’engage à quitter la coopérative à la fin du présent bail.“
La Cour du Québec a déjà reconnu la validité de cette clause dans l’affaire Coopérative d’habitation Le Rouet c. Herrera, 2004 CanLII 1881 (QC CQ) :
[50] On peut dire ainsi que le contrat de bail fait partie du privilège rattaché au droit d’être membre d’une coopérative. Au privilège d’être membre est rattaché celui d’être locataire.“[51] Si l’on cesse d’être membre, rien ne répugne au fait de cesser d’être locataire à la fin du bail.
[52] Dès lors, la clause par laquelle un membre s’engage à quitter à la fin de son bail et laquelle est conforme aux dispositions de la Loi sur les coopératives est celle du Code civil du Québec.”Cette analyse a été depuis réitérée par la Cour du Québec et la Régie du logement à plusieurs reprises.
Est-ce que la clause de départ s’applique au locataire non-membre?
La majorité des coopératives d’habitation ont un règlement prévoyant qu’il ne peut y avoir qu’un seul membre par logement (Loi sur les coopératives, art. 221).
Il arrive parfois que les coopératives concluent un bail avec non seulement le membre, mais également avec un autre locataire, comme le conjoint du membre.
La question de l’application de la clause de départ au locataire non-membre se pose alors.
Est-ce que la clause de départ produit des effets juridiques seulement à l’égard du membre? Autrement dit, est-ce que la clause de départ peut également forcer le départ du locataire non-membre en cas de démission ou d’exclusion du membre?
Dans l’affaire Dziczek Polawski c. Coopérative d’habitation Skanagowa, la Régie du logement a été saisie de la question. La locataire non-membre défendait la position que la clause de départ ne peut pas priver le locataire non-membre du droit au maintien dans les lieux loués et que seul le locataire membre doit quitter.
La cour a rejeté cette thèse.
La Régie du logement a statué que cette thèse « aurait pour effet de donner plus de droits aux locataires non-membres qu’aux membres eux-mêmes, ce qui irait à l’encontre des principes coopératifs ». De plus, cette thèse aurait « pour effet de donner plus de droits aux membres qui sont en colocation qu’aux membres qui sont les seuls locataires inscrits à leurs baux, et ce, par une interprétation des règlements de la coopérative menant à une incohérence absolue ».
De l’avis de la Régie du logement, la clause de départ ne pourrait presque jamais trouver application si la clause ne s’appliquait pas au locataire non-membre. En effet, « il y aura toujours, dans les cas de colocation, au moins un locataire qui n’est pas membre de la coopérative. Selon l’argument présenté, la coopérative ne pourrait donc jamais éviter la reconduction du bail sur lequel sont inscrits deux locataires ou plus, même lorsque le locataire qui est membre de la coopérative perd son statut ».
En conclusion, en application de la clause de départ, le locataire non-membre doit quitter le logement à la fin du bail lorsque le locataire membre perd son statut de membre.